La ministre de la Justice Leena Luhtanen, Devant la commission JURI, Bruxelles
(sous réserve de modifications)
Monsieur le Président,
Distingués membres de la Commission JURI, Mesdames et Messieurs,
Mon premier voyage en tant que présidente du Conseil Justice et affaires intérieures m’amène au Parlement européen. Cela me semble être une bonne façon de commencer la Présidence finlandaise. Mes quinze années d’expérience en tant que députée m’offrent une parfaite connaissance de l’importance des principes du parlementarisme pour la légitimité politique. Pour mes compatriotes, c’est également le rappel que nous fêtons cette année le centenaire du Parlement finlandais. Il est le plus vieux parlement démocratiquement élu du monde.
Je me félicite qu'une partie des membres de votre commission ait pu se rendre en Finlande au début du mois dernier. Et lors de mon voyage à Strasbourg il y a un mois, j’ai également eu l’occasion de rencontrer à nouveau les membres de votre commission. Je crois que nous avons réussi à insuffler une coopération forte et un dialogue fructueux. Je pense que c’est un point particulièrement important pour notre sphère de responsabilité qui touche directement les intérêts fondamentaux des citoyens de l’Union.
Distingués membres de la commission, Mesdames et Messieurs,
Vous êtes députés et savez que la confiance des citoyens n’est pas un acquis, mais qu’elle doit être regagnée constamment. C’est aussi le cas de l’intégration européenne. Un sentiment de doute envers ce processus et l'Union qui le représente s’est installé dans l’esprit de nos citoyens. Cette absence de confiance a également été perceptible à l’occasion du traité constitutionnel bien que la majorité des État membres l’ait soutenu.
Nous devons regagner la confiance des citoyens. Nous mettrons donc l’accent sur les citoyens et la poursuite du développement de l'Union européenne dans le volet de la justice.
La transparence des travaux de l’Union est également un volet important du programme de notre Présidence. Si nous n’avons pas confiance dans nos citoyens, comment pouvons-nous espérer qu’ils aient confiance en nous ? C’est pourquoi nous tenons à encourager l’accessibilité des documents, à assurer une information efficace et à améliorer le caractère public des séances des conseils.
À l’avenir, toutes les phases de procédure de codécision seront généralement publiques, y compris au Conseil. Pour les autres décisions, nous augmenterons leur publicité afin que les citoyens aient un meilleur suivi de l’action de l’Union européenne en faveur de leurs droits et de leur sécurité. Nous assurerons la diffusion des parties ouvertes des réunions sur Internet afin que leur transparence ne soit pas que de belles paroles.
Distingués députés, Mesdames et Messieurs,
L’appréciation de la mise en œuvre du Programme de La Haye constitue l’un des projets majeurs de la Présidence finlandaise. La mise en œuvre de ce programme adopté il y a un an et demi s'est avérée plus difficile et plus lente que prévu. À l’occasion du conseil informel de septembre à Tampere, nous souhaitons réfléchir à la manière de favoriser au mieux nos priorités essentielles. Je souhaite également qu’un représentant de la commission JURI soit présent à Tampere.
Dans le domaine du ministère de la Justice, les priorités sont par exemple la reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions des autorités judiciaires nationales et la coopération judiciaire civile. À Tampere, il n’est pas question de l’ouverture et de la renégociation du programme de La Haye. Il s’agit de créer une nouvelle dynamique pour mettre en œuvre les objectifs convenus.
L’Eurobaromètre et les autres sondages montrent à chaque fois que la justice et les affaires intérieures sont précisément un domaine dans lequel les travaux de l'Union sont le plus appréciés des citoyens. Ces derniers doivent obtenir une contrepartie à leur soutien.
C’est pourquoi nous allons étudier les possibilités d’améliorer les mécanismes décisionnels dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale sur la base des traités actuels. Le Conseil européen nous a mandatés pour cela. Les raisons principales pour lesquelles les projets ne progressent pas sont que les décisions du conseil requièrent l’unanimité. Elle ralentit les mécanismes décisionnels et entraîne souvent des compromis qui affaiblissent la qualité de la législation. Il a également souvent été souligné que le Parlement européen n’a pas un rôle suffisamment important dans la coopération policière et judiciaire en matière pénale.
Pour faire face à ces défis, la Finlande a donc l’intention de soulever la question de la clause dite passerelle prévue à l’article 42 du traité sur l’Union européenne. Elle permet le transfert des dossiers au premier pilier, où la position du Parlement et de la Cour de Justice est nettement plus forte.
Ceci est particulièrement significatif dans des questions importantes concernant la liberté, la sécurité et les droits des citoyens. De même, il pourrait être décidé d’adopter la mise en œuvre du principe des décisions à la majorité qualifiée.
Il ne me semble pas que l’amélioration des mécanismes décisionnels sur la base des traités actuels soit en contradiction avec l'entrée en vigueur du traité constitutionnel. En revanche, je suis certaine que l'absence de confiance des citoyens constitue l’obstacle majeur au développement de l’Union et donc au traité constitutionnel.
Le renforcement des mécanismes décisionnels pour la coopération policière et judiciaire en matière pénale soutiendrait une Union à l’écoute de ses citoyens et capable de répondre à leurs attentes. La Finlande considère que le traité constitutionnel est une solution globale équilibrée et a l'intention de le ratifier pendant sa Présidence.
Distingués membres de la commission, Mesdames et Messieurs,
L’intégration européenne a conduit à une croissance extraordinaire des relations transfrontalières. Cela concerne autant la vie économique que les citoyens de l’Union. Aussi notre domaine d’action offre-t-il précisément des possibilités exceptionnelles d’obtenir des résultats qui profitent véritablement aussi bien à la vie quotidienne des citoyens qu’à l’activité économique.
Nos citoyens franchissent les frontières, ils passent leurs vacances dans un autre État membre, y achètent des biens et des services ou y travaillent. Beaucoup se marient, fondent une famille et divorcent comme ils le feraient dans leur pays d'origine. Les petites et les grandes entreprises profitent de la mobilité des travailleurs, des marchandises, des capitaux et des services. Pour cette raison, les rapports juridiques transfrontaliers deviennent aussi complexes et hétérogènes que les rapports juridiques internes d’un État. L’idéal serait bien entendu que personne ne se trouve dans une situation d’insécurité juridique au seul motif qu’il a traversé une frontière entre des États membres. L’intégration vise précisément à encourager le franchissement des frontières.
À mon sens, l’Autriche a fait un travail remarquable lors de sa Présidence de l’Union européenne. Nous le poursuivrons. Plusieurs projets difficiles ont progressé, par exemple les créances de faible montant et Rome II. Toutefois, de nombreux projets importants restent en cours de traitement.
Nous essayons d’obtenir des avancées dans la reconnaissance des décisions relatives à l’obligation de pension alimentaire, le décret Rome II concernant la loi applicable aux obligations contractuelles et les procédures alternatives de résolution des litiges. Notre objectif est de voir l’approbation de l’instrument relatif aux créances de faible montant et celle de la procédure européenne d’injonction de payer pendant notre Présidence.
Je sais qu’une partie du Parlement émet des réserves vis-à-vis de la base consensuelle envers de la politique découlant de Rome II. Je souhaite que ce point puisse être résolu en coopération avec le Parlement, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à la conciliation.
En ce qui concerne le règlement relatif à la procédure de signification et de notification des actes, il serait souhaitable d’arriver à une position commune et de la voir adoptée pendant notre Présidence. Je tiens à remercier ici le rapporteur M. Jean-Paul Gauzès pour sa disponibilité dans le traitement de cette affaire qui se poursuivra en juillet.
Tous les projets susmentionnés touchent directement les intérêts fondamentaux de nos citoyens bien qu’ils paraissent souvent abstraits. En prouvant que l’Union apporte précisément des résultats concrets auxquels trop de citoyens ne croient plus, nous serons en mesure de renforcer la confiance de nos citoyens dans l’Union européenne.
Distingués membres du Parlement européen, Mesdames et Messieurs,
La criminalité organisée et le terrorisme défient la pérennité des principes de l’État de droit. Les intérêts des citoyens requièrent un développement soutenu des affaires judiciaires et intérieures. Nous devons veiller à sauvegarder les droits des citoyens même dans les moments difficiles. De ce point de vue, la coopération entre le ministre de l’Intérieur finlandais, M. Rajamäki, et moi-même a parfaitement fonctionné en Finlande et se poursuivra dans nos fonctions de coprésidents du conseil.
L’Agence européenne des droits fondamentaux, les normes minimales en matière procédurale et la protection des données font partie des objectifs prioritaires de la Finlande dans le troisième pilier. La création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice implique le renforcement de la dimension des droits fondamentaux de l’Union. Notre objectif concret est d’assurer une base consensuelle en ce qui concerne la création de l’Agence européenne des droits fondamentaux. Nous avons reçu une demande claire dans ce sens du Conseil européen de juin.
En outre, nous envisageons de travailler plus particulièrement sur la décision-cadre relative au transfert des personnes condamnées vers leur État d’origine ou de résidence. Cela favorise l’intégration de la personne condamnée dans la société et donc la sécurité de tous les citoyens.
Distingués députés, Mesdames et Messieurs,
En raison de la décision de la Cour de Justice des Communautés européennes, nous devons réexaminer l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis portant sur la transmission de données à caractère personnel relatives aux passagers des avions. En tant que pays président, notre objectif essentiel est également de garantir la protection des intérêts des citoyens de l’Union.
Sur ce point, une absence d'accord serait encore plus préjudiciable, car elle entraînerait des solutions spécifiques aux États et aux compagnies aériennes. La protection des données à caractère personnel relatives aux voyageurs s’en trouverait détériorée. Le transfert des données bancaires SWIFT vers les autorités d’un pays tiers montre les problèmes de protection des données qui peuvent surgir dans ces conditions.
Pour prévenir l’absence d’accord, un nouvel accord portant sur la transmission des données à caractère personnel relatives aux passagers des avions devra être négocié avec les États-Unis d’ici le 1er octobre. Le pays président veillera à ce que le Parlement soit informé de l’avancée des négociations.
Monsieur le Président, Distingués membres de la Commission JURI, Mesdames et Messieurs,
Je tiens à remercier l’Autriche pour son excellent travail en tant que pays président du Conseil Justice et affaires intérieures. La Finlande poursuivra ce travail et s’efforcera de nouer un dialogue ouvert et constructif avec le Parlement européen.
Je tiens à vous remercier pour votre attention et reste à votre disposition pour répondre à vos questions.